nabemono (shabu-shabu, sukiyaki)

Parmi les domaines de prédilection du tabehōdai (食べ放題, “bouffe à gogo”, cf l’épisode précédent), on trouve le shabushabu (しゃぶしゃぶ). Oui, presque “bouche-à-bouche” en verlan, bravo et merci, fin de la parenthèse comique.

Le shabu-shabu consiste à tremper de fines tranches de bœuf dans un bouillon. Divers autres ingrédients prennent aussi part au bain: tofu, chou chinois, algues, oignons, carottes, champignons, œuf cru, etc. On peut même y ajouter des udon, du porc, du poisson.

Sukiyaki

Sukiyaki, by toyohara

Dans l’esprit, le plat fait penser à une traditionnelle fondue chinoise. En pratique, cependant, on relève des différences autant logistiques (forme de la marmite, usage des baguettes à la place de fourchettes pointues) que culinaires (type de légumes utilisés, bouillon, type de viande, etc).

kani-shabu in hokkaido

kani-shabu in hokkaido, by w00kie

En particulier, le goût du shabu-shabu est assez fin, en raison de son bouillon préparé à base d’algues (kombu, 昆布).

Dans un registre très similaire, le sukiyaki (すき焼き) offre des saveurs plus relevées et sucrées, grâce à son bouillon rougeoyant de sauce soya, mirin, sucre et sake.

SUKIYAKI

SUKIYAKI, by y_katsuuu

Avec un peu de chance, il est possible de déguster les deux en même au restaurant en demandant une marmite double où ils se complètent tels le yin et le yang, tant gustativement que visuellement.

shabu shabu

shabu shabu, by Gustty

Ces deux plats, que d’aucuns se dépêcheront de ridiculiser sous l’appellation “fondue japonaise”, appartiennent en réalité à la catégorie des nabemono (鍋物), soit les plats mijotés dans une casserole, traditionnellement en terre cuite ou en fonte.

On trouve typiquement deux types de sauces (tare, たれ) dans lesquelles tremper la nourriture mijotée:

ponzu (ポン酢)
Sauce salée et légèrement acide à base de sauce soya, de jus de type citronné (de yuku ou autres), de mirin et de kombu.
gomadare (胡麻垂れ)
Sauce à base de sésame (goma, 胡麻), de sauce soya, de kombu, de sake et de sucre. Plus douce et onctueuse que la première.

Au Japon, comme dans tous les autres pays où l’on ouvre la bouche tant pour manger que pour parler, il existe tout un vocabulaire associé aux pratiques gastronomiques. Il est toujours pratique de savoir balbutier quelques mots pour conforter le cuisinier dans son succès ou héler les serveurs pour en reprendre.

Sukiyaki

Sukiyaki, by dnak

Comme le veut le rituel des langues étrangères, le premier mot à apprendre c’est “santé!”, soit “kampai!” (乾杯) en japonais. Ensuite, si vous avez faim (“onaka ga suita“, お腹がすいた, litt. “mon ventre s’est vidé”), il faut attraper un serveur.

Contrairement à la pratique européenne, qui consiste pour le serveur à feindre que le restaurant est entièrement vide, et non pas plein de clients qui souhaiteraient être servis et qui s’en plaignent à voix basse au gré d’appels de main de plus en plus nerveux, contrairement à cette pratique donc, il suffit au Japon de lancer un “sumimasen!” (“s’il vous plait/pardon!”) retentissant pour voir accourir un ou plusieurs serveurs.

sukiyaki

sukiyaki, by nyaa_birdies_perch

Deuxième étape de l’apprentissage d’une langue étrangère: commander une bière. Ici: “bīru o kudasai” (ビールを下さい, “une bière s’il vous plaît”). On remplacera kudasai par onegaishimasu pour passer du langage poli à très poli.

Plus tard, une fois la nourriture servie, n’oubliez pas le pseudo-équivalent de notre “bon appétit”: “itadakimasu” (戴きます), i.e. “je reçois [humblement]“. En disant ces mots, joindre ses mains et incliner légèrement la tête en signe de profonde gratitude.

Mini-Shabu-Shabu (Miyabi Course)
Mini-Shabu-Shabu (Miyabi Course), by Renée S.

Si vous trouvez la nourriture délicieuse, il est bon ton de le faire savoir à son entourage à l’aide d’un “oishii!” (美味しい, “délicieux!”) extatique (rajoutez des “i” pour varier le degré — surtout les filles). Si vous trouvez la nourriture délicieuse ET vous êtes un homme, vous avez gagné le droit d’utiliser “umai!” (美味い) à la place, un peu plus viril.

Si vous avez mis tout le repas pour vous rendre compte que c’était délicieux, vous pouvez encore vous rattraper avec la forme au passé de l’adjectif: “oishikatta!” (美味しかった).

Dans le cas où vous en êtes déjà à votre quatrième bol de nattō (納豆) commandé au hasard sur un menu tout en japonais, vous pouvez jouer votre joker en demandant une suggestion à la serveuse à l’aide d’un “osusume wa?” (お勧め, “[votre] suggestion?”) inquisiteur.

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IMG_0956, by wukong 悟空 (Xuemin Guan)

Une fois rassasié (“onaka ga ippai!“, お腹が一杯, “[j’ai l’]estomac plein”), demandez l’addition (“okanjo” ou “chekko“), puis faites semblant de partir; en fait, on paie à la sortie donc vous n’aurez roulé personne.

Pour achever la cérémonie, lancez un dernier “gochisōsama deshita” (ご馳走さまでした, soit “c’était un festin” assorti d’au moins trois formules de politesses différentes) au cuisinier avant d’écarter les pans de tissus de la porte de sortie!

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DSC00040, by Max Choong

Ce petit lexique est d’autant plus utile que manger dehors est une activité prédominante au Japon. Plutôt que de s’inviter les uns les autres dans son (potentiellement minuscule) appartement, il est plus pratique de sortir pour manger en société. Sans parler de ceux qui n’ont pas le temps de cuisiner. Une culture qui en explique certainement les prix compétitifs.

Le choix est étourdissant, qu’on cherche un restaurant gastronomique luxurieux, un sushiya tournant solitaire et efficace, un yakitoriya social ou un boui boui aux environs de la gare où les salarymen avalent debout un dernier bol de rāmen avant d’affronter les heures de train du retour (et leur femme).

shabu-shabu en bonne compagnie
shabu-shabu en bonne compagnie