— Soba ou udon?
Une terrible question qui menace les amitiés les plus viscérales, particulièrement après un certain nombre de bières. Au même titre, finalement, que d’autres dichotomies pseudo-existentielles: fondue ou raclette? ski ou snowboard? emacs ou vi?
À défaut de grande sagesse, on en retire surtout la multiplicité des types de nouilles (menrui, 麺類) au Japon. Et contrairement aux pâtes italiennes, la variété ne passe pas uniquement par la forme (en fil, en tube, en nœud papillon, torsadé ou pas, etc), mais aussi par la composition et la mise en plat de chacun.
Les udon (うどん), tout d’abord, sont des nouilles épaisses réalisées à partir de farine de blé. Comme beaucoup de plats japonais, leur préparation varie au gré des saisons. Cependant, elles sont le plus communément servies chaudes dans un bouillon préparé à base d’algues ou de poisson séché, ainsi que de sauce soya. On peut alors les consommer ainsi, nature, sous le nom de kake udon, ou y ajouter toutes sortes de garnitures: des tempura (beignets, généralement de crevette), de la viande, des légumes, des poches de tofu frit, un œuf cru, des algues, etc.
En marge de sa version en soupe chaude, particulièrement populaire en hiver, les udon sont aussi servis grillés (yakiudon, 焼きうどん) ou froids, quoique ces préparations soient plus fréquemment associées aux soba.
Les soba (蕎麦, ou “simplement” そば) donc, plus fins que les udon et dont le nom explicite la composition: du sarrasin, d’où leur teinte plus foncée. Bien qu’on puisse les goûter dans un bouillon chaud comme les udon, on les préféreras souvent froids, plus élégants et plus rafraîchissants en été.
Ils sont alors présentés sur un tamis en bambou tressé (zaru, 笊) et servis avec une sauce tsuyu (つゆ) constituée du trio salé habituel dashi–shōyu–mirin (bouillon, sauce soya, sake de cuisine sucré). On déguste volontiers les soba nature, en les trempant simplement dans le tsuyu, mais il arrive qu’ils soient surmontés de garnitures plus ou moins ragoûtantes: nattō (les fameux germes de soya fermentés), purée gluante de yamaimo (une espèce de patate douce japonaise), daikon (radis géant) râpé, flocons d’algues, grains de sésame, etc. Et comme d’habitude, libre à chacun de commander d’autres petits plats complétant le repas (tempura, soupe miso, etc).
Quant aux yakisoba, il s’agit en fait d’un piège car ces nouilles grillées sont en réalité des nouilles de blé, similaire à celles des rāmen, sans aucune trace de “soba” (sarrasin)! Ce qui n’est évidemment pas une raison de ne pas en manger, bien au contraire. En tant que plat relativement populaire, ils sont souvent préparés devant le client sur une grande plaque chauffante. Ils y sont grillées dans une sauce épaisse avec des morceaux de porc et des légumes (choux, oignons, etc). Le résultat est encore enjolivé visuellement et gustativement par de la poudre d’algues verte pétante (aonori, 青海苔), du gingembre vinaigré rouge vif (beni shōga, 紅生姜), de la mayonnaise et des flocons de poisson (katsuobushi, 鰹節) qui frémissent avec la chaleur.
Troisième catégorie de nouilles, les sōmen (素麺). Ces derniers sont aussi basés sur de la farine de blé mais bien plus fins que des udon et fabriqués par phases d’étirements successifs, contrairement aux soba et udon, qui sont tranchés en fines lamelles depuis une surface plate de pâte.
Encore une fois, les sōmen se dégustent chauds en soupe (nyūmen, 煮麺) ou froids avec une sauce, mais leur véritable attrait se cache dans la variante appelée nagashi sōmen (流し素麺), soit “sōmen flottants”, dans laquelle il s’agit de faire descendre des nouilles dans une rivière ou une rigole en bambou et de les saisir au fil du courant avec ses baguettes.
La preuve en image lors de cette sortie de boulot dans les collines surplombant Ikoma. Les verres, en bambou fraîchement coupé, sont remplis de tsuyu complété de ciboule, de myōga (茗荷, un dérivé nippon de gingembre), d’aubergine et diverses autres surprises.
Les prérequis à l’organisation d’un nagashi sōmen ne sont pas nécessairement facile à satisfaire (rivière propre ou forêt de bambou à proximité), mais il est toujours possible de se contenter d’une rivière tournante artificielle comme dans ce modèle compatible USB (si si), que je ne suis malheureusement pas parvenu à ramener à la maison.
Comme les donburi et les rāmen, toutes ces nouilles rejoignent les plats de restauration populaire… et rapide, quant on voit des salarymen engloutir un bol en quelques minutes à peine. Attention à ne pas oublier d’aspirer bruyamment ses nouilles!
Et ce, même dans les restaurants les plus chics, comme ce soba-ya à Ōsaka où j’ai mangé le dernier soir de mon (premier) séjour au Japon: des soba succulents, les plus merveilleux tempura de poisson de l’Histoire, et une amie passionante pour m’expliquer le tout!