Kyōto week-end et Gion Matsuri

Petite déception: mon parquet est resté sec. Le typhon ne s’est avéré être ici qu’un pétard à peine mouillé, trois coup de vent et puis s’en vont. Rien de plus excitant niveau tremblement de terre, on a rien senti, désolé. Tant mieux, cependant, puisque ce week-end avait lieu la fameuse Gion Matsuri à Kyōto!

En yukata à Heian Jingu

Comme les kravaller en Suède, les fêtes japonaises sont la principale occasion de porter le costume traditionnel. Point d’overall toutefois, ici on porte le yukata, soit une version estivale du kimono, plus légère et moins sophistiquée. Certains kyotoïtes le considèrent même comme un simple pyjama, par opposition au kimono, seul véritable habit traditionnel.

Geisha sur Shijo

C’est donc en yukata et geta que j’ai pris le train jusqu’à Kyōto. Les japonais me regardent brièvement, probablement plus parce que je ne suis pas un véritable japonais que parce que je porte une tenue inventée il y a 300 ans. Durant la fête, une bonne partie de la population endosse un yukata ou, plus rarement, un kimono. En raison de la chaleur, ce dernier reste réservé aux plus aventureux ou aux geisha. Dont celle ci-contre, croisée sur Shijō, qui se laissait patiemment photographier.

Si la mode vestimentaire a quelque peu évolué depuis l’invention des pantalons, chemises, cravates et autres déguisements contemporains, le yukata s’avère très agréable à porter. Certes, il vaut mieux éviter de devoir courir après son train, mais hormis cela, il confère une toute autre ambiance à la visite de temples et vieilles ruelles de Kyōto.

Yukata et galerie arcade

L’habit traditionnel n’empêche toutefois pas les japonais de se rendre au supermarché, dans les salons de jeux, etc. On croise fréquemment des vieilles dames en kimono dans le métro de Tōkyō, en train d’écrire un message sur leur ketai (les japonais, comme les suisses, ont inventé un nom rigolo pour “téléphone portable”). Malgré la très forte connotation ancestrale de ces costumes, ils font partie intégrante de la culture. Les jeunes — en particulier les filles — les portent volontiers, avec une grande élégance.

Vieilles rues à Gion

Cet élément, parmi tant d’autres, souligne l’importance de la tradition au Japon. Une tradition qui n’est pas ressentie comme un poids, un devoir, ou un héritage encombrant et obsolète, mais plutôt comme une composante de la vie de tous les jours. Tous ces détails font partie du quotidien: la majorité des japonais a et sait préparer un kimono, fait une petite prière en passant dans un sanctuaire shintō, ou s’incline poliment tant pour clôre un rendez-vous d’affaire que la vente d’une bouteille de Calpis au combini du coin.

Un respect très fort pour les valeurs ancestrales qu’on peine à retrouver en Europe, et qui génère un mélange parfois détonnant avec la culture ultra-pop japonaise, tel les jeunes en pantalon de cuir moulant et coupe de cheveux décolorés à la Bon Jovi, ou les filles bronzées et décolorées version Beyonce. Les signes ethniques se brouillent, sans nuire au port du yukata.

Troupe à Heian Jingu

Dimanche, je retrouve Khuê (alias kukuli), Trân (alias la soeur de kukuli), Yukari (alias la prof de japonais de Bao-Lan), Yūko (alias la fille de Yukari) et Bao-Lan (alias l’élève de la mère à Yūko — vous suivez?) pour un dîner de soba. On visitera ensuite Heian Jingū, un superbe sanctuaire shintō rouge vif.

Kiyomizu-dera

Plus tard, on grimpe des ruelles pavées pour atteindre Kiyomizu-dera, une série de temples bouddhistes nichés sur une colline surplombant la ville. Les bâtiments sont peints tantôt bois, tantôt rouge/orange écarlate, pour former un contraste surnaturel avec la forêt environnante. Avec sa plateforme sur piliers surplombant les arbres, ses chemins de pierre coupés dans la flore, ses multiples étages, et le son profond de la lourde cloche de bronze sonnée par les visiteurs, l’endroit dégage une puissante sérénité, comme ancré dans la nature et l’habitant depuis des temps ancestraux (en l’occurrence, 1633 pour les bâtiments actuels). L’ambiance rappelle la magie de Nara, avec plus de touristes toutefois (déguisés ou non).

Kiyomizu-dera

Dans la soirée, on retrouve Yoko, qui nous emmène dans une izakaya très typique. En fait, le type d’izakaya impraticable pour les non-initiés, puisque le menu est uniquement en kanji, et les serveurs aussi. Heureusement, notre guide choisira pour nous des spécialités de la région, avec explications en français, s’il-vous-plaît! On apprend donc à distinguer différents types de tofu, à savourer du poulpe cru, des os de poisson croustillants, ou encore pourquoi certains poissons sont salés et particulièrement appréciés à Kyōto (eriautrop-non elliv ,otoyK à trop ud egayov ua tnetsisér te secairoc tnos sli’uq ecrap :esnopér).

Hoko sur Shijo

Lundi, toujours à Kyōto, je me promène, mange l’équivalent de deux repas pour le prix d’une demi-salade mêlée en Suisse, puis retrouve Khuê et sa soeur pour un café, et enfin les amis internationaux du cours de japonais. Les rues du centre-ville sont inondées d’une foule dense qui s’amasse autour des hoko, ces hauts chars décorés de lanternes et surmontés d’un long mat de bois. Sur la plateforme surélevée, des jeunes répètent des rythmes traditionnels à coup de tambours et de cloches.

Yama by night

Lorsque la nuit tombe, les stands s’éclairent dans les ruelles pour proposer nourriture, bibelots, jeux traditionnels. On s’enfile au milieu de la foule, immense, pour goûter ces délices et effleurer les yama, des chars plus petits, eux aussi illuminés de lanternes. Une classe de jeunes filles chante devant l’un d’eux, dans une petite maison en bois, et partout le claquement des geta sur le sol contribue à envelopper cette fête d’une essence intemporelle, une excursion profonde au coeur de la tradition japonaise.

Parade traditionelle en pleine rue

Le Japon excelle dans la multiplicité de ces ambiances, entre tradition et modernité, entre culture ancestrale et post-modernisme effréné. Tantôt opposées, tantôt réunies, elles semblent cohabiter avec élégance et toujours en harmonie.

Shijo, bondée
Stand de poisson braisés
Khue and me, in yukata