Quelques secondes pour laisser la brume du réveil tardif se dissiper et confirmer que je me trouve toujours bien sur le futon de la mezzanine de mon studio à Higashi-Ōsaka, Japon, Terre. Quoique ce dernier point reste à confirmer, au vu des innombrables détails rocambolesques de ce pays incroyable.
Incroyable et accaparant, d’où ces premiers posts un peu retardés, que je m’empresse de terminer avant de partir mercredi pour Tōkyō, avec toute l’équipe du boulot pour une conférence! Le récit sera donc un peu express, mais je reviendrai sur les détails et le fond par la suite.
Dimanche matin, donc, ou plutôt après-midi, en fait. Petite virée au centre-ville avec Bao-Lan, qui me conduit dans différentes parties d’Ōsaka, de l’avenue fourmillant de magasins d’électronique (il faut que je me procure un dictionnaire électronique en-jp) à Shinsaibashi, le quartier animé et illuminé. La nuit tombe déjà vers sept heures, mais la ville reste animée tard car les magasins sont ouverts jusqu’à dix heures au moins (oui, dimanche).
Au milieu des néons et des odeurs appétissantes, on repère un resto apparemment prisé; bien nous en a pris, car le repas fut simplement délicieux. Face au menu au japonais, et en l’absence de dés, il a fallut choisir une entrée et un plat pseudo-aléatoirement sur la carte. Des beignets et légumes préparés devant nous sur une grande plaque par les deux cuisiniers, suivis de copieux okonomiyakis, fourrés d’asperges, épinards et fromages pour l’un, et de crevette et viande pour l’autre, le tout surmonté d’une couche de mayonnaise, de sauce style barbecue et de copeaux de poisson. Le tout pour une vingtaine de francs suisses par personne, bref un repas très luxe!
Une fois ressortis, on profite de la température agréable pour se perdre encore un moment dans le quartier avant de prendre le métro du retour, histoire de ne pas rentrer trop tard. Car lundi, première journée chez NEC!
Debout à 6h30, motivé pour aller découvrir le lab où je travaillerai ces six prochains mois. Quinze minutes de métro (direction Nara, en passant sous les montagnes boisées qui entourent Ōsaka), puis vingt à pied (le bus, ça coûte et ça ne dégourdit pas les jambes), pour rejoindre le bâtiment de NEC, situé sur un campus scientifique.
Chaleureux accueil de Takano-san, chef des services généraux, qui me donne ma première paie et mon badge, puis me conduit aux bureaux du groupe, constitué d’une douzaine de personnes. Je choisis un poste et configure rapidement mon environnement (une Ubuntu Linux, Dieu merci). Après le dîner, une équipe vient tourner une vidéo de promotion du groupe. Il faut donc sourire, faire coucou à la caméra ou alors l’ignorer, et faire semblant de participer à un meeting en japonais, le tout en suivant les instructions incompréhensibles du réalisateur. Oui, exactement, c’était un remake parfait de la fameuse scène de
Lost in Translation.
Suite à ce comique épisode, je quitte le bureau pour ouvrir la porte de mon studio au réparateur, car la Loi de Murphy a voulu que ma cuisinière meurt (avec les fusibles) samedi soir. Ledit réparateur ne parle pas un mot d’anglais, ce qui est en fait aussi le cas de la quasi-totalité des japonais rencontrés, hormis ceux du labo. La case “japonais” s’annonce indispensable!
Le soir, pas de répit puisque je rejoins le groupe à Ikoma (entre Ōsaka et Nara) pour aller à la Welcome Party, organisée en l’honneur des nouveaux arrivants (deux nouveaux collaborateurs japonais, et les deux petits suisses). Direction un restaurant spécialisé dans la cuisine d’Okinawa, la préfecture la plus au sud du Japon. Ambiance traditionnelle, on s’assoit en tailleur par terre et on commande une bière avant d’entamer le long menu de dégustation: tofu de cacahuètes, thon cru, légumes typiques d’Okinawa, omelette avec carotte et thon, algues frites, filet de perches deluxe, “tacorice” (une adaptation japonaise de viande à la mexicaine, provenant de l’occupation américaine d’après-guerre), Okinawa-soba (une soupe avec des nouilles de type udon), etc. Un régal absolu, bien évidemment, que nous aurions été bien en peine de dénicher et de commander nous-même.
Les patrons ont par ailleurs décidé de tester la résistance des nouveaux aux diverses liqueurs de la région, exercice auquel nous nous plions sans fléchir ni tituber, malgré la seconde étape dans un autre bar, où je goûte un sake vraiment délicieux. Heureusement, on profite de devoir attraper le dernier train pour s’échapper avant la fin.
Et le lendemain matin, soit mardi, tout le monde est à son poste, plus ou moins frais, mais à l’heure.
Bref, une première journée remplie de surprises et une excellente occasion de faire connaissance avec l’équipe dans une ambiance décontractée. Si notre isolement culturel et linguistique n’est pas anodin, il nous assure au moins une totale immersion dans une culture trop différente pour être vécue à la légère. Les difficultés de communication sont parfois frustrantes, mais on finit par s’habituer à évoluer un peu à part dans un monde étrange et fascinant.