Dans l’inconscient collectif, nourriture japonaise est largement synonyme avec sushi. Un peu comme si, chaque soir, tous les suisses endossaient leur costume d’armaillis sitôt rentrés au chalet pour engloutir des bouchées brûlantes de fondue. Dans les deux cas, le stéréotype n’a qu’un rapport lointain avec la réalité.
Ainsi, j’avais promis un petit feuilleton sur la cuisine japonaise, le voici: “Au bout des baguettes”. Il se déroulera en plusieurs épisodes, couvrant chacun une facette différente de ce que j’ai pu goûter au Japon. Par définition, la présentation sera non-exhaustive, subjective et alléchante.
Premier met populaire: le donburi (丼, litt. “bol”), qui consiste simplement en un bol de riz surmonté d’une garniture. Appellation générique, le donburi se décline en de multiples variantes.
Pour les débutants, le gyūdon (牛丼) représente un bon compromis initiatique. Le riz y est recouvert de bœuf mijoté avec des oignons dans une sauce soya et mirin (味醂).
Le katsudon (カツ丼), ensuite, propose une tranche de porc pannée, généralement décorée d’un peu d’œuf et de quelques herbes. Toujours dans la friture, le tendon (天丼) est quant à lui accompagné d’un tempura (天ぷら), ce fameux beignet japonais qui peut enrober à peu près n’importe quoi (poissons, crustacés, viande, légumes, etc).
Toujours succulent et au nom éminemment poétique, le oyakodon (親子丼), réunit le parent (oya) et l’enfant (ko), soit la poule et l’œuf, dans un bol (don). Ou plus précisément, des pièces de poulets sous une couverture d’omelette, complétées d’oignon, d’herbes fraîches et de sauce.
Parmi mes favoris, le tekkadon (鉄火丼), et ses tranches de thon cru, ou encore le ikuradon (イクラ丼), dans lequel le riz est recouvert d’œufs de saumon. Ces deux-là sont souvent accompagnées de flocons de nori (海苔), de filaments impossiblement fins et réguliers d’omelette, d’une pointe de wasabi, et d’une feuille de shiso, dont le goût relevé s’allie à la perfection avec la fraîcheur des produits de la mer.
Cependant, mon grand chouchou reste sans conteste le unadon (うな丼, contraction de unagi donburi), à l’anguille grillée, mœlleuse à souhait, dans une sauce légèrement caramélisée, et parfois aussi agrémentée de flocons de nori croustillants. Un régal au-delà de la plus folle imagination gastrique.
En plus d’être formidablement délicieuse, la cuisine japonaise a le mérite d’être dans sa majorité très bon marché, ce qui permet d’en profiter pleinement sans pleurer son porte-monnaie. Le donburi n’échappe pas à la règle: le take-out à deux pas de chez moi en proposait une panoplie raisonnable à l’emporter pour 500-700 yens (5-7 CHF, il suffit de diviser par cent pour obtenir des francs suisses).
Pour en manger de meilleurs et assis, on se rendra plutôt dans une chaîne ou un restaurant spécialisé, qui sert en général des bols pour 600-800 yens avec soupe miso, eau ou thé, etc. On trouvera aussi à disposition différents ingrédients à ajouter à son bol tels que du gingembre rouge légèrement vinaigré (beni shōga, 紅生姜), ou l’incontournable mélange de sept épices (shichimi, 七味).
L’ambiance et la qualité peuvent varier, de la succursale aseptisée où l’on commande en achetant un bon au distributeur à l’entrée, au vieux petit boui boui en pierre et bois animé par un patron goguenard.
Pour une version encore plus budget, on peut aussi acheter des donburi dans pratiquement n’importe quel convenience store (konbini) pour 300-600 yens. Le caissier vous le réchauffera rapidement au micro-onde et vous donnera une paire de baguettes. De quoi désemplir une petite faim en tout lieu et à toute heure.
Enfin, la solution de la dernière chance: Yoshinoya, la chaîne de fast food japonais la plus omniprésente et honnie, mais aussi la meilleur marché. Même fatigué, perdu dans les enseignes en kanji, la vue dramatiquement affaiblie par la faim, vous apprendrez à reconnaître son enseigne orange caractéristique et à jouer sur le prétexte d’un porte-monnaie vide pour vous y offrir, “exceptionnellement”, un menu gyūdon, à moins de 400 yens.