Opération Kansai

Ce n’est qu’en essayant de comprendre ce que me raconte le GO de la queue du bus reliant l’aéroport de Kansai au centre de Ōsaka que je prends enfin conscience de la réalité d’un séjour de 6 mois au Japon.

Jusqu’alors, les préparatifs sont restés méthodiques et abstrait. Nuit mi-blanche la veille du départ, entre l’opération de load balancing des valises (finalement les deux en excès de poids, évidemment) et les transvasements magnétiques pour ne pas oublier le moindre bit utile à la maison.

Jeudi 10 mai au matin: au revoirs, voyage Jouxtens-Cointrin, au revoirs, négociation pondérales avec l’hôtesse du check-in (voir problème ci-dessus), décollage, atterrissage, 50 minutes d’attente au contrôle de sécurité de Roissy, le temps que douze agents vérifient que la grand-mère devant vous n’a pas caché de bombe biologique dans la boucle de son soutien-gorge, puis embarquement sur l’AF 292, destination Ōsaka.

Pendant que le voisin termine 167 parties de solitaire, je consomme: l’absolument génial Spin de Robert Charles Wilson, lauréat du dernier prix Hugo; l’intéressant hors-série de Magic sur le groupe Air; deux épisodes d’utopod, le nouveau podcast de science-fiction francophone fraîchement pondu par mes chers infatigables Marc et Lucas — plus que recommandé; ainsi que divers aliments en boîte.

Premier rappel de la destination dans le questionnaire d’arrivée: « Do you presently have in your possession narcotics, marijuana, opium, stimulants, or other drugs, swords, explosives or other such items? ». Non, seulement un bazooka, ouf, c’est bon.

Arrivée à 8h20 du matin, vendredi 11 mai.

Un peu groggy, je négocie en engrish un plan et un billet au guichet d’information, ce qui m’amène enfin à rencontrer le coordinateur en chef de la file du bus.

Après l’épisode linguistique infructueux, retour forcé en position assise pour une heure, le temps de rejoindre le centre-ville. Le bus roule (à gauche) le long de la côte, puis au milieu de grandes zones industrielles, qui rappellent Sim City 2000 (peut-être la fatigue du voyage), mais avec plus de verdure. Au portes de la ville, l’autoroute s’élève et zigzague dans la ville, comme dans la démo debris (décidément, la fatigue).

Descente du bus, abandon des bagages dans une consigne et départ pour une visite des environs!

Les impressions sont, évidemment, impossible à retranscrire. Au premier abord, il s’agit d’une ville normale — grands bâtiments, voitures, bruit, enseignes lumineuses — dans laquelle on aurait simplement remplacé tous les passants par des japonais. Une légère odeur de soupe miso flotte toutefois dans l’air, et les affiches, panneaux et publicités ne parsent ni sémantiquement, ni syntaxiquement, ni lexicalement. Une galerie marchande, hétéroclite, propose nourriture, habits et salons de jeux, déjà occupés. Rappel: il est 10h du matin.

Automates à ticket de métro

Pour les nipponivores de base, il faut toutefois noter, avant toute excitation démesurée et bavage intempestif, que le Japon n’est pas vraiment fait pour les étrangers. Parvenir à acheter le bon billet de métro sur un automate, même avec l’aide du bouton “English guidance”, relève du demi-exploit. Les rues n’ont pas de nom, ou si elles en ont, elles sont en kanji (idéogrammes) sur les panneaux et en romanji (transcription en alphabet romain) sur votre carte, donc inutiles. L’orientation des plans, d’ailleurs, semble répondre à des critères bizarres, dont la position du nord ne fait pas partie. Tout cela doit en partie expliquer la sous-représentation d’étrangers en ville. Mais on en reparlera une autre fois.

Le dépaysement a évidemment de bons côtés, parmi lesquels: I’m OK You’re OK, le dernier album power-pop de Jason Falkner, sorti en exclusivité au japon et monté sur des présentoirs dans le TowerRecords local; des magasins de nerds informaticiens, style Top D, mais plus grand et sur quatre étages; des distributeurs automatiques de figurines Dragon Ball Z; des ouvriers portant les mêmes pantalons que les miliciens sur Milcis.

Et bien sûr la cuisine japonaise, non seulement dépaysante, mais à un prix vraiment abordable: 6.70 CHF pour une énorme soupe miso et un bol de riz garni de spécialités, ça change des raviolis trois couleurs du Parmentier. Inutile de préciser, c’est un sujet qui fera encore l’objet de futurs posts.

Le Château d’Osaka

Pour en revenir à cette première déambulation, durant laquelle je suis aussi allé visiter l’enceinte du château d’Ōsaka, le parc Tennoji et son zoo, et un centre commercial à Namba, après lequel les 3 parodies d’heures de sommeil dans l’avion ont commencé à peser. Retour sur la case valise donc, afin de rejoindre, après quelques péripéties, l’appart de trois amies japonaises.

Le soir, deux d’entre elles m’emmènent pour un petit tour en vélo en ville et dans un bar aussi invisible que typique, appelé le Flammingo. Ambiance style “Jim Jarmush au Japon”. On y a mangé divers spécialités, ainsi que, comble de l’exotisme, du fromage dont du roquefort et du… gruyère! Ça ne s’invente pas!

Le lendemain, première micro-leçon de japonais avec Yasumi (bonjour, bonsoir, bon appétit, etc), avant qu’elle parte travailler. Eh oui, c’est samedi mais les japonais ne partagent pas vraiment la même notion du travail. Autant dire que pour eux, les 35 heures, c’est entre le mythe et la blague.

Tenjimbashi-suji

Encore une petite promenade aux alentours de Minamimorimachi le long de la galerie Tenjimbashi-suji. Je n’en vois toujours pas le bout après près d’une demi-heure, mais le guide me rassure: il s’agit de la plus longue rue marchande couverte du monde… 2.6km quand même. Tant pis, je mange des boulettes de riz fourrées de poisson séché, ainsi que mon premier okonomiyaki, soit une espèce de crêpe fourrée, une spécialité du Kansai (la région qui comprend notamment Ōsaka et Kyōto).

À 15 heures, je retrouve Bao-Lan, un autre étudiant du poly déjà là depuis trois semaines et qui bosse et habite au même endroit que moi. Oui, encore un vietnamien. Les japonais vont finir par croire que tous les suisses ont les yeux bridés, à force.

La route à côté de chez moi

On prend donc le métro jusqu’à la station Shin-ishikiri, qui se trouve à trois minutes à pied de notre logement, un studio personnel fonctionnel, confortable et plutôt spacieux (non, je n’habite pas dans une capsule, désolé)! Pas trop loin non plus de deux grands centre commerciaux, où on fait les courses sur des airs de schlager. La musique dans les lieux publics est pleine de surprises!

Je passe sur le re-repas copieux du soir, puisque le clou de la soirée était avant tout le repos tant attendu, sur mon futon mince, mais ô combien salvateur.

Okonomiyaki