Idle lawyers tend to become politicians, so there is a certain social value in keeping lawyers busy.
Pour faire taire les mauvaises langues qui déduiraient de ce blog que cet échange n’est que fêtes et amusement, une entrée un peu plus générale s’impose. Contrairement aux paresseux restés en Suisse, qui se prélassent à la piscine en révisant pour la session de septembre, les étudiants suédois (dont nous faisons dorénavant partie) ont déjà repris les cours depuis deux semaines. Heureusement, plus rien à voir avec les marshallissades analytiques ridiculesques, les approximations mensongères des exercices de physique ou les improbables statistiques boulerougesques. Ici, quatre cours (c’est déjà beaucoup) pour environ 20-25 heures par semaine: Génie Logiciel (cours pour débutant, donc vraiment ennuyeux), Bases de Données (un peu barbant mais utile), Systèmes d’Exploitation (passionnant) et C++ (génial, chapelièresque). Presque que du bonheur donc, avec en prime des labos sur thin-clients SunBlade tout neufs et des auditoires aussi reluisants que confortables. En revanche, les horaires sont vraiment chaotiques, remaniés chaque semaine et parsemés de trous horaires.
Ce qui laisse le temps de rentrer chez soi pour faire sa lessive, sa cuisine, son ménage, et toutes ces choses qui prennent un temps fou quand on doit enfin le faire soi-même! Heureusement, les logements d’étudiants ont été mûrement réfléchis et intelligemment situés: à 100m de la buanderie, 200m du supermarché (ouvert 7 jours sur 7, de 9h à 21h!) et moins de 5 minutes en vélo de l’université. Difficile de faire plus pratique. Les suédois ont donc pour habitude de rentrer manger chez eux à midi, ce que l’on fait parfois nous aussi quand le temps et l’absence de paresse sont raisonnables. Sinon, les caféterias de l’uni sont décentes, avec des prix comparables à la Suisse et un self-service sans Compteur.
Dans les korridors, il est assez courant de tenir une fika les dimanche soirs. Fika est simplement le terme pour un petit café organisé ou impromptu, souvent agrémenté de biscuits ou de cake maison (dont les fameux bullar). C’est l’occasion de discuter des affaires du korridor, de l’achat de produit vaisselle à l’acquisition d’un nouveau sofa, ou tout simplement de tenir une discussion entre collocs. J’ai la chance d’avoir des collocs vraiment sympas, bien que seuls deux suédois soient vraiment motivés à discuter de choses et d’autres. Sinon, on compte encore deux nouveaux, surnommés nolla pour ces deux premières semaines (noll signifiant zéro, cela veut dire qu’ils sont en “zéro-ième” année). Plus encore une suédoise, une japonaise (en général on compte deux étudiants d’échange par korridor), et enfin un suédois suffisamment étrange pour avoir réussi à tenir 2h de fika sans prononcer un seul mot.
Autre habitude suédois sacrosainte: les queues. Cela peut paraître anodin, mais cela cesse de l’être au bout de quelques temps. Au bancomat, à la pharmacie, à l’université, à la banque, au pub, il y a toujours une queue de longueur variable, régulée par des billets numérotés ou pas. Le sommet revient à la FöreningSparBanken, où les clients attendant pour la caisse peuvent choisir entre la queue “standard” (attendre en ligne) et la queue avec billet numérotés ; les plus habiles prennent un billet et vont quand même attendre dans la queue, ce qui résulte en un ballet compliqué qui ne serait pas pour déplaire à un prof de Recherche Opérationnelle! Pour l’instant, notre record est d’un peu plus de 2h d’attente pour entrer au Flamman Bar un vendredi soir (mais il faut dire qu’on est arrivés que une demi-heure avant l’ouverture).
Les suédois sont en général très polis (les gros mots sont beaucoup moins explicites qu’en français ou en anglais, et tournent plutôt autour du diable ou de l’Enfer). En général, ils évitent plutôt les conflits. Le seul et unique groupe de yos rencontré jusqu’à présent, en dépit de nos recherches intensives, s’est révélé aussi inoffensif qu’amusant. Apparemment, ici les rebelles ont plutôt tendance à braver l’interdit en fumant des cigarettes plutôt qu’en ennuyant les gens civilisés. Ce qui n’a pas empêché des gros blaireaux de venir me voler ma paire de chaussures quasi-neuve dans mon korridor, ainsi que la stéréo du living room, mais c’est une autre histoire…
Ma chambre s’aménage gentiment, avec l’achat de l’élément le plus important : les enceintes audio! Logitech Z-3 commandées sur un magasin en ligne suédois (le matériel informatique est très cher en Suède, mais légèrement moins sur le web). De quoi égayer de manière enfin décente les devoirs dans ma chambre, mais aussi les incontournables sessions de couture du fameux overall. En plus des patches à coudre, il faut respecter un certain nombre de coutumes (nom sur la jambe, bandes jaunes sur le côté). Cela peut paraître étrange mais ici, c’est un habit tout à fait normal et tout le monde le porte durant les Kravall, mais aussi pour aller à l’uni (surtout durant les premières semaines). Il n’est pas rare de voir des clients en overall à la banque, ou
déguisés en mousquetaires au supermarché!
En effet, en début d’année, c’est le branle-bas de combat pour accueillir les nolla et les intégrer à la vie d’étudiant. Sittning arrosés à la pelle, soirées, déguisement humiliant (mon colloc infirmier se trimbale une seringue en carton géante autour du cou), missions ridicules en ville et concours délirants composent un bizutage assez impressionnant de tous ces nouveaux un peu effrayés. Le plus surprenant reste cependant les escadrons d’étudiants déguisés (costume avec queue de dinosaure, tunique égyptienne, kimono de samouraï, mousquetaires, etc) paradant très sérieusement sur le campus. Leur rôle est d’effrayer les freshmen et de répondre à leurs questions. Sinon, on trouve aussi les responsables de leur intégration qui sont simplement en overall. Tout cela donne une ambiance très décontractée et décalée, vraiment plus agréable que les défilés de ginos nombrilistes envahissant certaines soirées en Suisse. Car en dépit de la nature très geek de la tradition, tous les étudiants les portent quelle que soit leur section (physiciens, infirmières, psychologues, etc), puisque tout le monde est mélangé sur le campus. Un mélange tristement (stupidement) absent à Lausanne.
Dernier petit détour: la nourriture. Pas de grande gastronomie en Suède, mais quand même pas de quoi faire aussi peur que la bouffe anglaise. On remarque quand même quelques habitudes: les köttbullar (boules de viande) sont très populaires, même pas uniquement auprès des étudiants, étrangement; le pain n’est pas du pain, mais en général du pain toast pré-coupé et plus ou moins varié; les fameux tubes de crevette et caviar norvégiens existent aussi ici; quand il n’y a pas de choix (toutes les saucisses sont des saucisses de Vienne), il y a plus de 25 marques pour le même produit.
Voilà pour le petit tour d’horizon, qui se clora sur une courte description de la soirée d’hier soir : Tenta Kravall, la première “vraie” Kravall, en intérieur (dans un bâtiment appelé Kårallen). Après la rituelle pre-party, tout le monde a rejoint la fête. Deux dancefloors (DJs et groupe rock live), quatre bars, beaucoup d’étudiants en overall et une ambiance sympa : de quoi rencontrer plein de monde et profiter de la soirée jusqu’à 3h du matin, et tant pis pour les heures de sommeil. Eh oui, la plupart des Kravaller se déroulent jeudi, ce qui ne nous empêche pas d’avoir cours à 8h! Un bon entraînement, car avec un autre copain suisse, on sera responsable du “Milk Bar” lors de la Kravall organisée par les étudiants internationaux (Intervallen). Beaucoup de fun et peu de sommeil en perspective, surtout quant on sait que l’on finira autour de 5h du matin et que l’examen de Bases de Données aura lieu le lendemain matin!