Lost In Translation: lost & found

Dans son premier chef d’oeuvre, Sofia Coppola explorait avec un cynisme décalé une Amérique poétique et errante, perdue dans des rêves adolescents et une ambiance seventies. C’était The Virgin Suicides.

Son second présente un humour moins exubérant, une ambiance plus triste, un monde moins édulcoré. Loin d’être terne, le cadre est résolument post-moderniste, intemporel. Et c’est Lost in Translation.

La difficulté de rédaction d’un synopsis rendant hommage au film est un indice de la profondeur de ce dernier. Si l’histoire voit effectivement deux âmes esseulées partager une forte relation dans ce fameux cadre nippon, on pourrait chercher à distraitement classer l’oeuvre dans le tiroir des bluettes lolitesques aux amours incestueux impossibles. Ce qui n’est évidemment pas le cas.

Le pari passe ainsi avant tout par la main de Sofia Coppola. Déjà encensée pour son premier film, elle confirme ici son genre bien particulier. Sa direction est discrète, légère mais parfaite, semble simple mais dégage des marées d’émotions en quelques scènes d’une pureté bien humaine.

Sa passion pour son sujet transparait sur chaque plan, qu’il s’agisse de Bill Murray, du Tokyo Park Hyatt ou du Japon, simplement. Dans ce cadre difficilement réel, chaque personnage transpire une histoire qui lui est propre, et c’est dans le non-dit que se cachent la beauté, occasion unique de révéler au grand public des acteurs sous-estimés.

Bill Murray bien sûr, qui se prête tantôt à la dérision, tantôt à une déprime assumée, pour former un improbable acteur déchu attachant et invulnérable. Mais Scarlett Johansson aussi, sublime, déphasée avec la réalité, enfin remarquée dans un rôle qu’elle honore comme à son habitude.

La dualité des rôles titres prend tout son sens dans l’aventure qu’ils partagent au sein de cette mégapole surpeuplée qui semble vide, où la foule est lointaine, le Hyatt fantomatique. Les deux protagonistes évoluent isolés dans une bulle d’intimité que le spectateur est invité à partager.

L’impression qui en résulte n’est pas sans rappeler American Beauty, dont la mythique séquence du sac voletant au gré du vent trouve un écho ici avec le féérique voyage de Charlotte à Kyoto.

C’est donc un fabuleux conte moderne que Sofia Coppola nous a conté, une histoire belle, calme et simple mais profondément plongée dans le subconscient humain qui souffre de sa solitude. Les âmes de nos anti-héros, perdue tant dans la traduction que la translation, se découvrent soeurs.

Note: 7/7